Israel Assassination Of Walter Guinness Moyne
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L'assassinat de Walter Guinness, 1er baron Moyne : un tournant dans le conflit palestinien

Le 6 novembre 1944, les rues du Caire devinrent le théâtre d’un acte de violence politique choquant qui résonna à travers le Moyen-Orient et au-delà.
Walter Edward Guinness, 1er baron Moyne, ministre résident britannique au Moyen-Orient, fut assassiné par deux membres du groupe militant juif Lehi (également connu sous le nom de Bande Stern). Cet acte audacieux ne coûta pas seulement la vie à un éminent homme d’État britannique, mais il détourna également une voie potentielle vers la création d’un État juif, intensifiant un conflit déjà volatile en Palestine. L’assassinat de Lord Moyne reste un moment décisif dans l’histoire de la politique coloniale britannique, du militantisme sioniste et de la lutte pour le contrôle de la Palestine.

L’homme : Walter Guinness, 1er baron Moyne

Né le 29 mars 1880 à Dublin, en Irlande, Walter Edward Guinness était le troisième fils d’Edward Guinness, 1er comte d’Iveagh, héritier de la riche et influente dynastie brassicole anglo-irlandaise Guinness. Formé à Eton, où il se distingua en tant que chef de la prestigieuse société « Pop » et capitaine des équipes d’aviron, Guinness mena une carrière aux multiples facettes en tant que soldat, politicien, homme d’affaires et anthropologue amateur. La fortune de sa famille, estimée à environ trois millions de livres, lui offrit une vie de privilèges, mais il fut décrit comme intelligent, scrupuleux et profondément engagé dans le service public.

Le service militaire de Guinness commença tôt, lorsqu’il se porta volontaire pour la seconde guerre des Boers, puis il reçut l’Ordre du service distingué (DSO) avec une barrette pour son courage lors de la Première Guerre mondiale dans les campagnes d’Égypte, de Gallipoli et de France. Sa carrière politique fut tout aussi remarquable, servant en tant que député conservateur pour Bury St. Edmunds de 1907 à 1931, occupant des postes tels que secrétaire financier du Trésor et ministre de l’Agriculture et des Pêches. Élevé à la pairie en tant que baron Moyne en 1932, il devint un allié de confiance de Winston Churchill, partageant ses préoccupations concernant l’essor de l’Allemagne nazie dans les années 1930.

En 1944, la nomination de Moyne comme ministre résident au Moyen-Orient le plaça au cœur de la stratégie britannique en temps de guerre dans une région cruciale pour ses ressources pétrolières et son importance géopolitique. Basé au Caire, il supervisait un vaste territoire s’étendant de la Libye à l’Iran, avec la question controversée de l’avenir de la Palestine au premier plan de ses responsabilités.

Le contexte : la Palestine et la lutte sioniste

Les premières années 1940 furent une période de tensions intenses dans la Palestine sous mandat britannique. La Grande-Bretagne, chargée d’administrer le territoire depuis 1917, était confrontée à des revendications conflictuelles des communautés juive et arabe. La déclaration Balfour de 1917 avait promis un « foyer national » pour le peuple juif, mais le Livre blanc de 1939 restreignit l’immigration juive et les achats de terres, privilégiant les intérêts arabes pour maintenir la stabilité régionale pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette politique indigna les groupes sionistes, qui y virent une trahison, surtout alors que les réfugiés juifs fuyaient les persécutions nazies en Europe.

Parmi les factions sionistes, Lehi était la plus radicale. Fondée par Avraham « Ya’ir » Stern en 1940, Lehi se sépara du plus grand groupe Irgoun, rejetant la coopération avec les Britanniques et prônant une résistance violente pour établir un État juif. Considérant les officiels britanniques comme des occupants, Lehi visait des figures comme Moyne, qu’ils tenaient pour responsables de l’application de politiques limitant l’immigration juive et la création d’un État.

La position de Moyne sur la Palestine était complexe. Contrairement à la plupart des officiels britanniques au Moyen-Orient, qui s’opposaient à la partition de la Palestine en États juif et arabe, Moyne soutenait un plan proposé en novembre 1943 par un comité du Cabinet britannique. Ce plan, faisant écho à la Commission Peel de 1937, envisageait un État juif, une petite zone sous contrôle britannique et un État arabe au sein d’une fédération arabe plus large. Approuvé en principe en janvier 1944, le plan attendait l’approbation finale du Cabinet la semaine de l’assassinat de Moyne. Son soutien à la partition et à un État juif faisait de lui une exception parmi ses pairs, mais aussi une cible pour Lehi, qui le dépeignit à tort comme un antisioniste entravant leurs objectifs.

L’assassinat : une attaque minutieusement planifiée

Dans l’après-midi du 6 novembre 1944, Moyne rentra à sa résidence au Caire après une journée de travail. L’attendant près de chez lui se trouvaient Eliyahu Bet-Zuri et Eliyahu Hakim, deux agents de Lehi qui avaient minutieusement planifié l’assassinat. Lorsque la voiture de Moyne s’arrêta, transportant le ministre, son chauffeur, le caporal Arthur Fuller, sa secrétaire Dorothy Osmond et son aide de camp, le major Andrew Hughes-Onslow, les assaillants passèrent à l’action.

Bet-Zuri tira sur Fuller dans la poitrine, le tuant sur le coup. Hakim ouvrit la portière de la voiture et tira trois coups sur Moyne. La première balle toucha le cou de Moyne, la seconde perça son abdomen, endommageant des organes vitaux, et la troisième frôla ses doigts et sa poitrine, causant des blessures mineures. Moyne fut transporté d’urgence à l’hôpital, où les chirurgiens luttèrent pour le sauver, mais il succomba à ses blessures à 20h40. Les assassins prirent la fuite mais furent rapidement appréhendés par un policier égyptien qui entendit les coups de feu.

L’attaque n’était pas un acte spontané. Lehi envisageait de cibler le ministre résident britannique depuis 1941, jugeant initialement le prédécesseur de Moyne, Richard Casey, inadéquat car il était australien. Lorsque Moyne prit le poste en 1944, il devint le plus haut responsable britannique à la portée de Lehi, symbolisant la politique britannique en Palestine.

Les conséquences : ondes de choc et répercussions

L’assassinat provoqua des ondes de choc à travers la Palestine, la Grande-Bretagne et la communauté internationale. À Londres, Winston Churchill, un ami proche de Moyne, fut dévasté. Il dénonça l’assassinat comme un « acte odieux d’ingratitude » et, dans un discours à la Chambre des Communes le 17 novembre 1944, laissa entendre qu’il pourrait reconsidérer son soutien de longue date au sionisme, déclarant que « la fumée des pistolets des assassins » ne pouvait dicter la politique. Le chagrin personnel de Churchill se traduisit par une position ferme, exhortant à l’exécution de Bet-Zuri et Hakim, mettant en garde contre les pressions pour la clémence de la part des groupes sionistes et juifs américains. Les deux furent jugés dans un tribunal égyptien, condamnés et pendus le 23 mars 1945.

Les répercussions politiques furent profondes. Le plan de partition soutenu par Moyne fut abandonné immédiatement après sa mort, et jamais relancé. Son successeur, Sir Edward Grigg, s’opposa à la partition, s’alignant sur le sentiment dominant parmi les officiels britanniques au Moyen-Orient. Des historiens comme Bernard Wasserstein et Yehuda Porath soutiennent que l’assassinat de Moyne a peut-être retardé l’établissement d’un État juif, car le plan de partition offrait un cadre viable pour la création d’un État après la guerre. The Times de Londres, citant Ha’aretz, déplora que les assassins aient « fait plus par ce seul crime répréhensible pour démolir l’édifice érigé par trois générations de pionniers juifs que ce qui est imaginable ».

En Palestine, l’assassinat creusa les divisions. Les dirigeants juifs modérés condamnèrent les actions de Lehi, craignant qu’elles ne compromettent la cause sioniste, tandis que la propagande de Lehi justifia l’assassinat, accusant faussement Moyne d’antisémitisme et de responsabilité dans les souffrances juives. Une affirmation persistante mais démentie, rejetée par l’historien Bruce Hoffman, prétendait que Moyne avait rejeté une proposition visant à sauver des Juifs hongrois pendant l’Holocauste. En avril 1944, Joel Brand, du Comité d’aide et de sauvetage juif-hongrois, présenta la proposition d’Adolf Eichmann de « sang pour des camions » — offrir la libération de jusqu’à un million de Juifs en échange de 10 000 camions. Brand affirma qu’un officiel britannique non identifié (souvent attribué à tort à Moyne) répondit : « Que puis-je faire avec un million de Juifs ? » Les historiens précisent que Moyne n’était pas directement impliqué, et le rejet de la proposition découlait de préoccupations stratégiques plus larges des Alliés.

Héritage et interprétations

L’assassinat de Moyne marqua un tournant critique dans le conflit palestinien, accélérant le retrait éventuel de la Grande-Bretagne du mandat en 1948 et l’établissement ultérieur d’Israël. Il mit en lumière la militance croissante de groupes sionistes comme Lehi, dont les dirigeants, y compris les futurs premiers ministres israéliens Yitzhak Shamir et Menachem Begin, justifièrent ces actes comme nécessaires pour expulser la domination britannique.

Moyne lui-même reste une figure complexe. Pour certains, il était un homme d’État pragmatique cherchant un compromis entre Arabes et Juifs ; pour d’autres, un symbole de l’impérialisme britannique. Ses vues anthropologiques, privilégiant les groupes racialement mixtes aux « purs », étaient progressistes pour son époque, mais mal comprises par Lehi, qui déforma ses remarques à la Chambre des Lords comme antisémites.

L’assassinat tendit également les relations de la Grande-Bretagne avec le mouvement sioniste. Le ton plus froid de Churchill envers les affaires juives après 1944 reflétait une désillusion britannique plus large, alors que la violence en Palestine s’intensifiait. Pour les Égyptiens, l’événement fut un moment de sentiment anticolonial, certains voyant les assassins comme des héros résistant à la domination britannique, bien que le gouvernement égyptien coopérât pleinement avec l’enquête.

Conclusion

L’assassinat de Walter Guinness, 1er baron Moyne, fut plus que le meurtre d’un officiel britannique ; il fut un catalyseur qui modifia la trajectoire du conflit palestinien. En éliminant un partisan clé de la partition, les actions de Lehi retardèrent involontairement la création de l’État juif qu’ils recherchaient, tout en intensifiant les tensions entre Britanniques et sionistes. La vie de Moyne, marquée par le service, la richesse et une approche nuancée d’une région volatile, s’acheva tragiquement, laissant un héritage entrelacé avec l’un des conflits les plus durables du XXe siècle. Sa mort sert de rappel brutal de la manière dont des actes de violence individuels peuvent remodeler le cours de l’histoire, souvent de façons que les auteurs n’avaient jamais prévues.

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